Extrait de La couleur du crime


Le moine se pencha sur sa préparation, et le bossu sautilla jusqu'à la cornue de métal, tel un elfe grognon dans le brouillard jauni par la flamme des cierges.
Mélisande frissonna en regardant le bénédictin attiser le feu sous le petit chaudron.
- C'est à cette condition, expliqua-t-il, que l'on obtient un mélange onctueux qui se conservera plusieurs semaines dans une fiole de terre soigneusement bouchée.
Deux drachmes de gingembre et de girofle, une once de muscade et de galanga, encore une drachme d'huile de laurier et une autre d'aloès, le tout longuement macéré dans l'eau distillée. Pour faire bonne mesure, le moine assaisonna la potion de camphre ainsi que du foie soigneusement pilé de dix passereaux mêlé au sang de trois vipères. Ce remède d'apparence peu catholique avait toutes les vertus, et si l'on en buvait quelques gouttes chaque matin, on était assuré d'immortalité.
- Frère Arnolpe, cela ne se peut pas ! s'indigna Mélisande.
Mais le bénédictin l'ignora d'un haussement d'épaule, estimant que son art n'avait pas à souffrir des incessantes objections des profanes.


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