Critiques de La ballade de Sean Hopper


Ricochet – Institut suisse jeunesse et médias


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Le jeune Bud vit tout seul avec sa grand-mère indienne. Il raconte : son voisin Sean Hopper, homme violent qui travaille dans un abattoir, est quitté par la gentille et jolie Bonnie. Suite à un accident de voiture dans lequel il manque mourir, Sean ouvre son cœur aux autres, mais personne ne le croit.
Comme dans Chevalier B., Martine Pouchain s’attache aux pas d’un looser rural. Celui-ci est un homme taciturne qui semble d’abord ne s’exprimer que dans la brutalité ; l’histoire nous apprendra une autre vérité, en forme de rédemption. Les personnages tournoyant autour de cet anti-héros sont très réussis, symptomatiques d’une petite ville en vase clos (américaine ou pas d’ailleurs) : le grand-père qui perd la tête, la coiffeuse bonne copine, le fou de service, etc. Il y a souvent de l’humour tendre derrière ces figures attendues, tel Dad qui défend ses plaquettes de chocolat. Lentement, avec entêtement pourrait-on dire, l’intrigue abat les préjugés à la vie dure, fustige la bêtise qui ne supporte pas le changement. La forme du roman est particulièrement bien trouvée : tout passe à travers le filtre d’un petit narrateur touchant, au regard vif, qui use de la langue bien pendue de celui à qui on ne la fait pas, et qui crève pourtant qu’on l’aime et vienne le tirer de sa détresse. Ses expressions sont fortes, gouailleuses : « Ca vous avait l’allure d’un morceau de passé qui aurait fait boule de neige pour venir leur exploser dans la figure » (p. 128). Les interludes qui translatent les pensées de Sean Hopper n’étaient peut-être pas indispensables à la saveur du roman, rajoutant simplement un peu de psychologie, quelques explications. Le résultat fait d’une accumulation de petites observations possède un caractère très visuel, propice à une imagination lancinante : il s’agit bien d’une ballade effectivement, avec tous les thèmes répétitifs et la mélancolie que le terme draine. Un grand roman pour un auteur certes multiple, mais jamais aussi doué que dans le récit du banal, de l’humain.
Sophie Pilaire

Librairie Citrouille - par Gwendal Oulés de Récréalivres


La Ballade de Sean Hopper est l’histoire d’une rédemption. Celle d’un homme fermé à la vie, travaillant avec un professionnalisme de taiseux dans les abattoirs d’une petite ville du comté de Springfield. Sean Hopper n’est pas doué pour les rapports humains. Il maltraite sa femme Bonnie, a relégué son vieux père sénile dans une cabane au fond de son jardin et chasse systématiquement Bud, le petit-fils de sa voisine, quand ce dernier ose s’approcher de trop près de chez lui.
Le petit Bud est justement le narrateur de La Ballade de Sean Hooper. Avec une sensibilité sauvage, presque surnaturelle (que Martine Pouchain restitue admirablement), l’enfant en devient le diariste. Il accompagne Sean à distance respectueuse pour le voir retrouver difficilement son humanité.
La Ballade de Sean Hooper est un texte fort où l’âpreté des sentiments ne contredit pas leur beauté.
 Une émouvante ballade pleine de grâce.

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Martine Pouchain, traduit de l'américain par... ah non, par personne, elle est française ! C'est étrange elle écrit pourtant comme une américaine ! Il est vrai que l'histoire se passe aux USA, dans une petite bourgade paumée. Mais en soit, cela ne suffit pas à en faire ce magnifique roman. Ce qui y contribue en revanche, ce sont les personnages, hauts en couleurs, un style rude, populaire, et une histoire qui prend aux tripes.

Des tripes, justement il en est question, puisque la majorité des habitants de Springfield travaille aux abattoirs de la ville. Le livre s'ouvre sur une description particulièrement crue et réussie du fonctionnement des abattoirs modernes.

A travers le récit de Bud, enfant d'une dizaine d'années qui vit avec sa grand-mère indienne, on découvre la vie de Sean Hopper, le roi de l'abattoir. Personnage extrêmement dur, solitaire et secret.
Grâce à Bud, on comprend peu à peu ce qui a rendu cet homme si aigri, si désespéré.
L'écriture correspond aux personnages : tantôt douce et aimante comme Bud, tantôt écorchée comme Sean. On pense aux grands romanciers américains, Steinbeck, Faulkner... Un roman très cinématographique.

Librairie du Tiers Temps à Aubenas, par Cécile Moulain, documentaliste


Sean Hopper est le tueur de l'abattoir, bestial, taciturne, intimidant, taiseux. L'homme indéchiffrable que tout le monde craint, même Bonnie, joli bout de femme, qui espérait l'adoucir, mais finit, lassée, par le quitter. Ivre de rage et d'alcool, AC/DC à fond la caisse, Sean Hopper précipite sa Thunderbird contre un arbre et revient malgré lui de son expérience de mort imminente avec un goût de reviens-y. Il est autre à l'intérieur, perçoit de manière exacerbée les sons, les couleurs, la beauté des choses. Plus qu'il n'en peut supporter. Et personne ne s'aperçoit de la métamorphose du bonhomme. Sauf Bud, l'enfant d'à côté qui vit seul avec sa grand-mère indienne mourante. Bud sait Sean allergique aux gosses, rapport au secret qui lui bouffe l'amour de l'autre. Mais le regard parfois fait s'épanouir l'essence des êtres, car c'est par les yeux et la voix de Bud qu'on assiste à cette rédemption tardive et inespérée. Âpre et bouleversant comme une balade américaine au crépuscule.


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