Extrait de Dylan Dubois


Les soirs où Cynthia ne rentre pas, tout part à vau-l'eau. Les devis et les factures s'entassent, les portes blindées restent dans l'atelier, le réfrigérateur fait la tronche, et la bière est surcotée au CAC 40 pour cause de dévastation des stocks à la supérette du coin.
Et puis le lendemain soir, ou le surlendemain, ou trois jours plus tard, Cynthia lui envoie une flopée de textos comme quoi Pedro s'ennuie de moi, ou qu'elle a des places pour le cirque qui vont être perdues si on n'y va pas, ou n'importe quoi d'autre. Après cinquante textos de tergiversations paternelles, elle sera derrière la porte parce qu'elle avait besoin du pyjama de Pedro, ou de l'ours de Pedro, ou du livre préféré de Pedro, tu sais, celui ou la coccinelle tombe amoureuse du puceron, le tintouin.
Et ce sera comme si les pires injures n'avaient pas été échangées, comme si les casse-toi, ou pauvre type, ou salope, n'avaient pas traversé le salon. La soirée sera tout engluée de Florent chéri, je peux pas vivre sans toi, ni moi, faut qu'on pale davantage, t'as raison, le joli fatras. Et c'est un couple d'ados énamourés qui rentrera au bercail après avoir conclu la soirée au restaurant - rapport au réfrigérateur sidéralement vide.
Pendant ce temps-là, j'endormirai Pedro, s'il est là, en lui lisant un livre, j'écrirai quelques lignes, et je tâcherai de roupiller vitre fait, avec un oreiller sur la tête, histoire que leurs couinements interdits aux moins de douze ans ne me réveillent pas quand ils rentreront.

2e extrait



Tout ce qui vit me reconnaît. Des perce-oreilles m'adressent la parole, un papillon de nuit me chuchote son message velouté, jusqu'au rayon attardé du soleil qui vient trouver la verdure pour se poser sur mon front. J'y vois le signe que les arbres l'herbe, et le ciel ne sont là que pour moi. Et si ma raison m'objecte qu'ils étaient là avant ma naissance, ça n'enlève rien à cette évidence qu'ils ne sont là que pour moi. Que chacun puisse penser la même chose ne pèse pas non plus dans la balance. Ils-ne-sont-là-que-pour-moi. Il n'y a plus de séparation, je flamboie, je rayonne, et le monde est en moi.
Un monde où les ténèbres servent d'écrin à la lumière.


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