Les soirs où Cynthia ne rentre pas, tout part à vau-l'eau. Les devis et les factures s'entassent, les portes blindées restent dans l'atelier, le réfrigérateur fait la tronche, et la bière est surcotée au CAC 40 pour cause de dévastation des stocks à la supérette du coin.
Et puis le lendemain soir, ou le surlendemain, ou trois jours plus tard, Cynthia lui envoie une flopée de textos comme quoi Pedro s'ennuie de moi, ou qu'elle a des places pour le cirque qui vont être perdues si on n'y va pas, ou n'importe quoi d'autre. Après cinquante textos de tergiversations paternelles, elle sera derrière la porte parce qu'elle avait besoin du pyjama de Pedro, ou de l'ours de Pedro, ou du livre préféré de Pedro, tu sais, celui ou la coccinelle tombe amoureuse du puceron, le tintouin.
Et ce sera comme si les pires injures n'avaient pas été échangées, comme si les casse-toi, ou pauvre type, ou salope, n'avaient pas traversé le salon. La soirée sera tout engluée de Florent chéri, je peux pas vivre sans toi, ni moi, faut qu'on pale davantage, t'as raison, le joli fatras. Et c'est un couple d'ados énamourés qui rentrera au bercail après avoir conclu la soirée au restaurant - rapport au réfrigérateur sidéralement vide.
Pendant ce temps-là, j'endormirai Pedro, s'il est là, en lui lisant un livre, j'écrirai quelques lignes, et je tâcherai de roupiller vitre fait, avec un oreiller sur la tête, histoire que leurs couinements interdits aux moins de douze ans ne me réveillent pas quand ils rentreront.
©2023 Martine Pouchain - Mentions légales