Extrait de Fugue majeure


C'est l'histoire d'un amour qui se termine et d'un autre qui continue. C'est aussi l'histoire d'un amour qui pourrait commencer et d'un autre sur lequel tout n'a pas été dit. Mais le mieux, c'est que je commence par où les choses ont commencé à dérailler. Pour autant que je m'en souvienne, c'était un dimanche...
On avait tout préparé pour l'anniversaire de Mamie. Des bougies, des guirlandes, des petit plats dans les grands, la belle nappe des grandes occasions qui ne sert jamais parce qu'il n'y a jamais de grandes occasions, les verres qu'on ne peut pas mettre au lave-vaisselle, des vraies serviettes et un bouquet de coquelicots, qui sont ses fleurs préférés, dans un vase. J'étais triste parce que ça allait être son dernier repas de fête avant l'opération dont elle ne voulait pas entendre parler. (...) Pour assombrir encore le tableau, je venais de me faire largue par Léo après six semaines de parfait amour et j'étais donc dans les cinquante-sixième dessous.


Sur le coup de midi, on aperçoit Gaspard sur son char. Il fait quelques virages serrés non loin, ce qui me permet d'apprécier son anatomie. Hâlé, mais pas trop. Musclé, mais pas trop non plus. Il ramène sa voile et vient vers nous. «Salut», il dit.
Je n'avais jamais remarqué la peau fine de de son cou, ni le vaisseau bleuté qui palpite à sa tempe. Je m'attache toujours à des détails, je ne sais pas pourquoi.(...) Il a quelque chose de doux dans le regard. Quelque chose qu'on aimerait bien garder éternellement et que tout s'arrête pour qu'on puisse vraiment respirer et regarder autour.


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